Chemins de vie
« Tous les chemins mènent ailleurs : de l’errance immobile à l’expérience
des mondes »
« Le monde commence à s’inscrire en nous longtemps avant notre naissance.
Tâcher de donner à voir l’invisible à travers l’espace et le temps, pour voir en nous
au plus profond de nous. Ce qui demeure en nous de notre passé disparu » Jean-
Claude Ameisen (in Sur les épaules de Darwin, France Inter, 2014)
Issue d’une double culture (franco-américaine) et d’une double religion (juive et
catholique), je m’intéresse de près à l’empreinte de ce qui a disparu entre mémoire
et oubli.
« C’est en moi que je devais redescendre, dérouler le passé que je porte en moi.
J’avais le vertige de voir au dessous de moi, en moi pourtant comme si j’avais des
lieux de hauteur, tant d’années » Proust (in Le temps retrouvé)
L’homme a toujours cherché à conquérir et à explorer les ailleurs. Mais, il est lui
même une énigme, un terrain en friche, à jamais. Cette installation « nos territoires
intimes » pensée pour Les jardins synthétiques, permet d’établir une liaison entre
nos vestiges et nos vertiges. C’est un voyage intérieur et immobile qui est proposé.
Au milieu de ce lieu d’histoire et de mémoire, sous le regard de ces bustes qui font
partis de notre histoire la foule de mes personnages en plâtre se questionne… Car
voyager ce n’est pas forcement aller loin (géographiquement parlant), c’est aller
ailleurs (au dedans de soi). L’homme est le témoin des coups de théâtre de son
intériorité autant que l’acteur de sa révolte. Son voyage peut être immobile et
stupéfiant; il peut aller vers le centre ou vers les lointains; il peut distendre la
temporalité ou l’espace; il a toujours une réalité psychique et une valeur existentielle.
Je propose une vision de ce moment particulier où l’on reconstruit ce que l’on a vécu,
ce moment de transformation du réel. Le cerveau y travaille pendant notre sommeil
et nous ne percevons rien de cette recréation de cette recomposition du souvenir.
Dans quelles mesures sommes-nous libres dans nos manières de se souvenir,
de penser et d’agir ?
Cette installation, dans le même temps frontale et immersive, se veut le support
d’une projection mentale ; le lieu (territoire) de la rencontre avec soi-même. C’est un voyage intérieur qui est proposé, un cheminement immobile.
La mise en oeuvre se veut délicate et onirique pour engager une contemplation et un
lâcher-prise. C’est en chacun de nous et à distance de la réalité que la poésie existe
alors.
« All roads lead somewhere: offering immobile wandering to experience
worlds «
« The world begins to make its mark on us long before we are born.
Try to make visible the invisible through space and time, to see deep within us. It’s what remains in us of our invisible past » Jean Claude Ameisen (in Darwin’s On Shoulders, France Inter, 2014)
After a double culture (French-American) and a double religion (Jewish and
Catholic), I am very interested in the footprint of what has disappeared from memory
and into oblivion.
« It’s in me that I had to go back down, unroll the past that I carry with me.
I was giddy to see below me, in me though as if I had high places, so many years, « Proust (in Time Regained) Man has always sought to conquer and explore his world. But, it is within that is still an enigma, a unexplored. This series « our intimate territories » imagined for synthetic gardens, establishes a link between our selves and our vertigo. It is an interior and motionless journey that is proposed.
Amid this place in history and memory, under the gaze of these statues the assembly of my plaster characters ask questions… because travel is not necessarily ‘going away’ (geographically) but perhaps go elsewhere (within himself). Man is the witness of the twists of his
interior as much as the actor of his revolt. His journey can be motionless and dizzying; it can go to the center or to distant; it may distend the temporality or into space; and always has a psychic reality and existential value.
I propose a vision of this particular time when we reconstruct what one lived,
this moment of transformation of reality. The brain is working while we sleep
and we perceive nothing of this recreation, this re-composition of memory.
To what extent are we free in our ways of remembering, to think and to act?
These works, at the same time up front and immersive, demands thinking; the location (territory) of the encounter with oneself. It is an inner journey that is proposed, a motionless journey.
The works are intended to engage delicate and dreamy contemplation and to let go. It is, after all, in all of us and away from reality that poetry exists.